Introduction à la QABAL

Dans sa traduction du Zohar, de Pauli dit : “la Qabal est la connaissance ésotérique des israélites”. Cette définition peut être considérée comme satisfaisante si l'on sait que la Qabal est sans aucun doute la première tentative de réponse unitaire sur la nature de l'univers et qu'en outre elle répond aux trois questions essentielles :

- D'où venons-nous ?

- Qui sommes-nous ?

- Où allons-nous ?

A ce jour, la Qabal reste encore en contradiction avec les conceptions actuelles de la communauté scientifique. Cependant, on observe déjà, entre elles, l'amorce d'un rapprochement. Par exemple, les astronomes ont remarqué que la matière a une tendance générale à s'organiser. Sur ce point, les Qabalistes, tout comme les Alchimistes d'ailleurs, tombent d'accord. Alchimistes et Qabalistes disent que c'est la conscience qui a créé la vie et que c'est la vie qui crée et organise la matière pour 1es nécessités de son évolution. Ainsi la conscience serait la force sous-jacente organisatrice de la matière.

Quelles sont, à ce jour, les sources de la connaissance qabalistique ?

LES SOURCES DE LA QABAL

Le livre fondamental de la Qabal est le “Sepher Yetzirah” ou Livre de la Création. Il s'agit d'un tout petit opuscule dont la traduction littérale ne dépasse pas trois ou quatre pages dactylographiées. La Bibliothèque Nationale en possède plusieurs exemplaires, de dates et d'origines variées, mais la constance du texte est remarquable.

Le second livre de la Qabal est le “Sepher Zohar” ou Livre de la Splendeur. En fait, il s'agit d'un commentaire, assez en désordre, du Sepher Yetzirah et de son interprétation. Le Zohar est un ouvrage volumineux qui totalise environ six fois notre dictionnaire classique. La traduction latine la plus ancienne, connue à ce jour, est celle de Pic de la Mirandole (1463-1494). Il en existe un condensé en latin de Knorr Von Rosenroth intitulé “Kabalah Denudata”. Cette “Qabal dévoilée” a été traduite en anglais par Mac Gregor Mathers vers 1918.

Il existe encore deux petits ouvrages d'une cinquantaine de pages considérés comme faisant partie de la Qabal : un livre dit “Aesch Mezareph” qui en est une interprétation alchimique et un livre moins connu dit “l'oracle Chaldéen” qui, lui, en est une interprétation magique.

On peut, à juste titre, s'étonner que le petit “Livre de la Création” soit à l'origine de la gestation du volumineux “Livre de la Splendeur”. Ceci est dû au fait que le Sepher Yetzirah est écrit avec un alphabet de structure hiéroglyphique et que ce mode d'écriture donne une très forte concentration à l'information. Aussi 1a traduction littérale de ce genre de texte est-elle impossible. Il est donc utile d'expliquer comment fonctionne ce type de langage.

LES LETTRES DANS L’ALPHABET HEBREU

Dans nos alphabets modernes, les lettres qui constituent un mot n'ont pas de lien avec le sens de ce mot ; il s'agit d'une simple convention, variable avec les langues. Ainsi, en latin, “mensa” n'a pas les mêmes lettres que “table” en français mais ces deux mots désignent le même objet. Dans les langages hiéroglyphiques, chaque lettre représente un principe, une règle, une loi, une énergie et le sens d'un mot est l'intégration, la somme du sens des lettres qui le composent.

Par exemple, considérons le nom dit imprononçable de la langue hébraïque : Yod He Vav He. Nous avons :

- Yod qui est le principe phallique universel

- He qui est l'être

- Vav qui est l'attraction vers la dualité, première apparition des possibilités du libre-arbitre.

He Vav He est le principe de l'être qui évolue par la tentation, le principe féminin de la Création.

Yod He Vav He est l'être androgyne, l'homme-dieu d'avant la séparation des sexes, l'homme de l'Unité. L'homme de la séparation des sexes est l'homme de la dualité.

La seconde règle est celle de l'ordre des lettres. Par exemple, dans ALLAH, nous avons Aleph Lamed Lamed Aleph et ce nom est composé de deux sens :

- AL (Aleph-Lamed) où Aleph (l'énergie ou l'espace) s'amplifie ou s'étend sous l'effet de Lamed (le principe d'amplification ou d'extension). En “AL”, la Création se matérialise.

- LA (Lamed-Aleph) où l'énergie diminue, où l'espace se contracte. En “LA”, la Création se dématérialise. L'inversion de la place de Lamed représente l'inversion de l'action dans son principe.

Il y a trois lettres-mères qui représentent les trois principes fondamentaux de la Création à savoir : Aleph, Mem, Shin dont la traduction symbolique est Air, Eau, Feu. En aparté, soulignons que dans l'incréé, les trois lettres-principes sont Aleph, Yod, Nun.

Ensuite, il y a les sept lettres dites doubles, à savoir :

Beth, Gimel, Daleth, Kaph, Pe, Resh, Tav. Ces lettres représentent les sept lois doubles qui gouvernent l'univers. Symboliquement, une planète traditionnelle est affectée à chaque lettre. Une bonne étude sur ces lettres existe dans le traité des “Sept Causes secondes” de l'Abbé Trithème.

La troisième catégorie de lettres est celle des lettres dites simples qui sont au nombre de 12, à savoir :

He, Vav, Zayin, Chet, Tet, Yod, Lamed, Nun, Samekh, Ayin, Tsade, Qoph. Chacune de ces lettres est symboliquement affectée à un signe du zodiaque, mais en réalité ces 12 lettres représentent la succession nécessaire et obligatoire de 12 étapes évolutives pour avancer d'un degré dans 1'évolution, quel que soit l'objet considéré : minéral, végétal, animal, ou être humain.

 

LA CREATION DU MONDE SELON LA QABAL

Avant l'étude de la conception qabalistique de l'Univers, arrêtons-nous encore pour examiner le principe général de la Création.

Celui-ci est toujours symbolisé par un triangle. Ici, le triangle T symbolise le monde créé.



A son sommet Aleph représente l'énergie première, subtile, d'où le nom symbolique d'Air. Sous l'effet de la conscience, cette énergie se différencie en deux principes séparés : Shin, principe actif, symbole du Feu et Mem, principe passif, symbole de l'Eau. La quantité d'énergie positive de l'actif est égale à la quantité d'énergie négative du passif. Ceci est à l'origine de toutes les symétries dans la nature, de forme ou d'énergie. Cependant, les Qabalistes disent, d'une part, que cette différenciation faite sous l'effet de la Conscience ne sera pas annihilée par la rencontre des deux éléments, d'autre part, que l'obstacle de l'élément passif permettra à l'élément actif de trouver un point de résistance qui provoquera un degré plus dense de manifestation de l'énergie. Aussi, de différenciation en différenciation, l'énergie première se condense, peu à peu, à l'état de matière dense de notre Terre. Les Brahmanes disent que si Brahma fermait l'œil un seul instant, toute la création serait immédiatement annihilée par la neutralisation des contraires. Dans le même ordre de pensée, les Qabalistes et les Alchimistes disent que l'énergie positive active est l'âme des êtres et des choses et que l'énergie négative condensée est la matière de leurs corps. En un sens, dans cette conception, l'antimatière de la science serait l'âme des choses.

La Qabal divise l'univers en deux parties : d'un côté l'Infini non manifesté, l'Incréé, de l'autre le fini manifesté, le Créé. Une zone tampon intermédiaire permet le passage de l'Infini au fini et empêche la destruction instantanée du fini par son caractère direct avec l'infini.

KETHER et les VOILES de l'EXISTENCE NEGATIVE

La science moderne conçoit qu'il n'y a rien avant le début de la manifestation. Elle considère qu'avant ce qu'elle nomme le big-bang il n'y a ni temps ni espace ni énergie. Pour la Qabal, ce qu'il y a “avant”, c'est l'infini, non manifesté, dont le nom hébreu, Ain Soph, peut se dire l'Espace du Néant.

Notre intellect physique ne peut avoir que des vues approchées, et plus ou moins fausses, de ce milieu car il ne peut concevoir ce qui est hors du temps et de l'espace et c'est pourquoi ceci est dit être le néant. Toutefois, à travers les textes, inspirés ou révélés, on peut tenter de décrire ainsi le non-manifesté : la Conscience ultime opère sur elle-même une première différenciation et ainsi “perd un peu de son Infini”, alors se crée un premier voile protecteur.

Sous ce premier voile (V1) les trois principes de la première différenciation Aleph Yod Nun opèrent une sorte de réflexion sur eux-mêmes et ainsi apparaît un deuxième triangle passif, Samekh Vav Pe. Le sens des lettres, différent ici du sens des lettres dans le manifesté (sauf pour Aleph), donne à penser que le second triangle est, dans l'Infini, le germe de l'espace manifesté.

Se crée alors le second voile (V2) et au-dessous apparaît un nouveau triangle, reflet des deux autres, Aleph Vav Resh, qui est la lumière, ou tout au moins le germe dans l'Infini de ce qui sera l'énergie dans le fini.

Le troisième voile (V3) marque la limite du non-manifesté.

Certaines écoles nomment ce qui est inclus derrière ces trois voiles « l'Existence Négative ». Dans cette zone, sous la protection de ce troisième voile, les neuf principes potentiels de l'Infini (représentés par les neuf lettres des trois triangles sis entre V1 et V3) convergent vers un point, le dixième principe, point qui leur permet de franchir les limites de l'Infini pour se manifester dans le fini. Ce dixième point, le plus faible de l'Infini, le plus haut du fini, est nommé Kether (la Couronne) dans les anciens textes.

 

 

Z1 – Zone de l'INFINI, du non-manifesté : EXISTENCE NEGATIVE

Z2 – Zone de passage de l'INFINI au FINI

Z3 – Zone du fini ou monde manifesté

S – Ligne de séparation entre le manifesté et le non-manifesté

V1 V2 V3 – Les 3 voiles de l'EXISTENCE NEGATIVE

V4 V5 V6 – Les 3 voiles du monde manifesté

m.1 – Monde unitaire dans le manifesté

m.2 m.3 m.4 – Mondes duels dans le manifesté

Les lettres hébraïques :

Au sommet, le mot Qabal

Ensuite les 9 lettres-principes du non-manifesté

Le triangle T : les trois lettres-principes du manifesté

Les cercles de 1 à 10 : les SEPHIROTH

 

LA MANIFESTATION EST CYCLIQUE

Actuellement, il est permis de penser que les trous noirs de l'astronomie sont ces points de passage où, à ce jour, semblent s'engloutir pour disparaître à jamais, de gigantesques courants d'énergie.

Nous avons des raisons de penser que Kether n'a pas toujours été identique à ce qu'il est aujourd'hui. Plusieurs traditions de l'Orient, ou de l'Occident, disent que la création, la manifestation, est cyclique. Ainsi, si l'on divise en 24 heures la journée cosmique, il y a 12 heures de matérialisation, 12 heures de dématérialisation. Ces mêmes traditions s'accordent à dire que dans cette journée cosmique, il est environ, aujourd'hui, 4 heures de l'après-midi. Il est donc pensable que pendant les 12 premières heures, le trou noir est en fait un jet de lumière, d'énergie, qui crée le monde manifesté. A midi, la lumière cesse et le trou devient noir, l'énergie retourne à l'Existence Négative. Chaque heure de ce jour ayant probablement un ordre de grandeur d'un demi-milliard d'années.

LES 4 MONDES MANIFESTES

Nous entrons maintenant dans le manifesté. C'est le monde du fini. Toutefois, celui-ci est, selon la Qabal, divisé en quatre mondes et une immense différence existe entre le premier et les trois autres.

Ce premier monde, Atziluth (m.1) est un monde unitaire, c'est-à-dire que bien que finis, l'espace et le temps ne sont pas encore différenciés et c'est un monde d'éternité, où la conscience demeure dans un éternel présent. Ce monde est le Jardin d'Eden, si mal interprété dans la Bible. Ici, la séparation des sexes n'est pas réalisée, l'homme est androgyne.

Dans le monde d'éternité, l'homme, lui aussi, est éternel. Kether inonde ce monde d'énergie et celle-ci, différenciée en deux, donne à la conscience de l'homme, en ce monde, sagesse et intelligence (2 et 3 en m.1). Dans la lumière infinie, transmise par Kether, une infinité de germes de conscience arrivent en Atziluth. Dans ce monde unitaire, sans espace ni temps, l'évolution de la conscience n'est pas possible. Aussi la nécessité oblige ces germes de conscience à traverser le voile des Abysses (V4) et à ainsi pénétrer dans les mondes de la dualité. Cette dualité va se densifier peu à peu et le symbole des sept jours de la Création représente les sept étapes de la densification espace-temps.

Ainsi, peu à peu, le germe de conscience se forme en descendant dans des mondes de matière de plus en plus denses et au septième niveau, au septième jour, l'homme dort, spirituellement parlant, car après avoir franchi les deux voiles, l'un (V5), celui de la seconde mort, l'autre (V6), celui de la naissance et de la mort, la conscience a perdu le contact avec les mondes spirituels, aveuglée par l'opacité de la matière dense de notre monde. La coupure du lien entre le conscient physique et les états intérieurs supérieurs lui assure une liberté qui lui permet de commencer à se forger les éléments d'un être libre.

Cette division de l'énergie en dix niveaux et la répartition de ces dix niveaux en quatre mondes est, selon la Qabal, générale pour toutes choses qui existent dans les trois règnes. La vie et la conscience présentent une manifestation différente pour chaque règne et leurs croissances vont du minéral au végétal à l'animal. Mais la notion qabalistique la plus délicate à réaliser est celle qui dit que “tout est en tout”. Ainsi, dans chacun de ces dix niveaux d'énergie, ou selon le terme qabalistique dans les dix Sephiroth, se trouvent les neuf autres et en chacun des mondes se trouvent les trois autres. L'énergie, quel que soit le règne, descend toujours par le même chemin selon l'ordre numérique des Sephiroth. A titre d'illustration, dans le “Aesch Mezareph”, le livre alchimique de la Qabal, l'or a dix noms, chaque qualité d'or étant affectée à son niveau sephirothique prioritaire.

Les quatre mondes manifestés de la Qabal ont pour nom, le premier, Atziluth, déjà mentionné. Il comprend trois Sephiroth (1, 2, 3), c'est-à-dire qu'en lui il y a trois niveaux de conscience. En ce monde, la conscience de l'homme est ternaire. C'est le monde des archétypes créateurs.

Les niveaux suivants (4, 5, 6) forment le monde de la dualité, le monde de Briah dans lequel il y a encore une conscience ternaire mais qui cette fois accède simultanément à trois densités d'espace-temps ; ce monde est celui où la pensée concrétise les possibilités des archétypes d'Atziluth.

Les niveaux 7, 8, 9 forment le monde de Yetzirah, monde de la Création, image du monde précédent mais en plus dense. Le voile entre Yetzirah et Briah est dit “voile de la seconde mort” et son franchissement est assez semblable au voile de la naissance et de la mort de notre monde.

Le quatrième monde, Assiah le plus dense, est notre monde de la matière physique. N'ayant qu'une seule Sephirah, la conscience ici n'accède qu'à un seul espace-temps.

 


LE BUT DE LA QABAL

En quoi consiste le travail pratique de la Qabal ? A débarrasser les Sephiroth des souillures et impuretés accumulées pendant l'involution vers la matière. Ensuite, en utilisant l'énergie de Kether, à rendre les voiles transparents afin de redonner à notre conscience la perception de la totalité de l'univers.

Ainsi, selon la Qabal, l'homme est un être dont la conscience a pour origine la force créatrice de l'univers elle-même. L'homme est un dieu déchu volontairement afin de pouvoir acquérir par lui-même sa liberté et les structures qui, peu à peu, pourront supporter le contact de l'Infini.

L'homme doit se créer lui-même pour être à l'image de l'origine de son essence. L'équilibre universel, reflet de la justice universelle, fait que chacun ne peut être que le fils de ses oeuvres. Ainsi, ce germe de conscience, après avoir animé la pierre, puis la plante, puis l'animal, accède à l'état d'homme où la soi-conscience lui est accordée et son chemin continuera peu à peu, jusqu'à son retour à l'Infini où il sera un Homme-Dieu universel.

Jean DUBUIS

NB : les attributions données sur les schémas sont celles du Sepher Yetzirah.

Cet article est paru dans le 3ème Millénaire.

 

 

QABAL ou KABBALE ?

Les deux orthographes se rencontrent suivant les auteurs.

Jean DUBUIS a décidé d'utiliser la première, surtout pour le Qoph dont la signification implique une connaissance de la totalité de l'univers, alors que le Kaph de la seconde orthographe sous-entend une orientation sur la vie physique par la magie noire ou blanche, c'est-à-dire un aspect occulte et non une connaissance intérieure totale.